top of page
Logo Asmodée Edern

Publié le :

27 juil. 2025

Dernière mise à jour :

20 oct. 2025

par

Valentin

Malou Garant décortique avec délicatesse les mondes poétiques de « Chacun s'en va »

Partir en quête de ses racines et franchir la porte des possibles



ree


Malou Garant, romaniste et critique, raconte Chacun s'en va, le recueil poétique sorti de la plume de Michèle Garant.



"Comme on glisserait, dans une précieuse farde de XII croquis à l’encre de chine où Antoine Juliens s’était appliqué à « calligraphier » des paysages de la Gaume, sa terre natale, Michèle Garant rassemble ici sept petits paquets de feuillets qu’elle avait jadis, ici et là, donnés à publier."


"Elle vient, semble-t-il, de les trier et relire pour nous les offrir, rassemblés en chapitres (American Sister, Hôtel de luxe, Portal Creek…) dans une toute belle édition chez Asmodée Edern : une cinquantaine de poèmes donc, dont la plupart sont simplement numérotés par des chiffres romains. (Venus damer ici une large chaussée que je crois voir sur la première image, les Romains ne nous ont-ils pas transmis leur langue ?)


Ce faisant, Michèle d’emblée reprend sa plume pour étoffer ce qui deviendra son tout premier chapitre : Memory où dix nouveaux textes développent et illustrent, comme le feraient d’apaisantes « chansons de toile », ce qu’elle écrivait, il y a plus de quarante ans -1- , et qui était demeuré dans le secret… lieu clos du poème IX -2- . Elle y relate la vie de Léa, sa mère, ainsi renommée, tout comme Jean, Jeanne, Irma… discrètement occultés et mis à bonne distance de l’objectif pour nous faire comprendre comment et pour qui et pour quoi il importe, puisque le monde est grand, qu’on se rebelle…


A ce premier chapitre, fait suite une terrifiante « chanson » (gardons ce mot qui pourrait bien convenir à bien des poèmes du recueil) intitulée 1895 et dont les huit « couplets» évoquent un de ces sanglants fait divers qui -soyons prudentes, les filles !- se racontent dans les chaumières.

Il est dès lors bien acquis que Tu lis un roman historique -3- . Par cette deuxième personne (je pense à La Modification de Butor -4- ), Michèle, qui sait si bien raconter, va peut-être, en bonne pédagogue, pouvoir inciter le lecteur -lectrice en l’occurrence-, à prendre, à son exemple, la liberté d’envol de la vie … Car nous sommes ici pour vivre ce que nos mères n’ont pu rêver -5- . Et si partout le « je » souvent s’efface pour laisser place au spectacle du monde qu’elle a jadis exploré, on la devine, présente, rien qu’au rythme soutenu du texte : rythme de bonne marcheuse, regard curieux et pénétrant mais dont la hardiesse de vue, un brin impertinente, n’est jamais provocante.

J’ai déjà lu les deux tiers et je m’arrête, inquiète, au croquis « Lever du jour -6- » : une horizontale en berne, barrée de deux traits sombres. Titre de chapitre, plus sombre encore : Veillée pour un frère d’armes. Quatre poèmes. Ici le deuil, partout présent, prend consistance : le monde chavire

· Comme si

· J’avais acquis le droit de passer le grand fleuve

· dont parlaient les Anciens (je ne leur en dis rien

· à ceux qui chaque jour côtoient mon quotidien) -7-


(Fidèle à l’alexandrin, avec quelle liberté Michèle prosodie !)


Rien, à présent, ne sera plus pareil, le chant passe en mineur -A Capella- pour entrer dans l’intime. Jadis confrontée à la mort de l’aïeule (dont Le tablier -8- de coton brillant était si bien resté en place) Michèle, petite fille, ne pouvait pas comprendre, par contre, aujourd’hui, un poème mémorisé (en ai-je fait mémoriser à mes élèves !) peut venir tout éclairer de sens : Rivière -9- , Cuisine -10- , Objet -11- , Barrière du jardin -12- s’illuminent, révélant leur consolante raison d’être… Et ce poème bienfaisant, tout naturellement, s’impose en titre du recueil : Chacun s’en va.


Et puisque … chacun s’en va parce qu’il s’en va, -13- Michèle, forte d’ici comprendre qu’il n’y a rien à comprendre, hausse le ton et épilogue : fidèle à ses racines, passant du je au nous, elle nous invite, déterminée, à oser pleinement être et vivre… pour l’amour de nos mères…



Malou Garant"


-1- Pourquoi ces glaïeuls, l'Arbre-Lyre n°2 (ACCT), 1983

-2- P.30

-3- P.37

-4- Roman publié en 1957 aux éditions de Minuit.

-5- P.144

-6- P.103

-7- P.110

-8- P.117

-9-P.119

-10- P.120

-11- P.122

-12- P.124

-13- P.127, Roberto JUARROZ, cité en épigraphe.

bottom of page