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Jean-Luc Raharimanana
Le boucanier
Les territoires sensibles de l’écriture s’étendent bien au-delà de ce qui se donne à lire. Dans le silence des failles, traquer la lumière. Et perforer de sa seule marche les frontières qui délimitent les créations. Perforer les opacités. Perforer les censures. Perforer l’impuissance qui ferme les bouches. Rejoindre la faille à travers les lianes. Ramener les mots tenus de l’auteur, ou d’une plume, dans l’espace immense du lecteur, ramener les chuchotements et murmures dans le débat des mondes. Les voix multiples et singulières traversent notre temps et disent le monde, disent le rêve, disent le plaisir, disent les traumatismes. Les limites sont naturellement floues, alors il faut faire fi des genres imposés par l’édition actuelle, et contourner la prétention de l’écrit à délimiter le réel. Il faut aller au plus près du désir. Le désir d’écrire et de découvrir. L’édition interroge dans les pays africains, là où le papier est rare, là où le livre physique est un luxe, là où le manque de moyen assèche la lecture. Là, le numérique est une faille magnifique où pourront s’engouffrer les récits. Des textes inédits y existent en nombre conséquent, des projets d’écriture abondent mais sont abandonnés faute d’accompagnement. Des œuvres tombées en oubli, épuisées, parsèment l’histoire littéraire africaine. C’est une question de réédition, de redécouverte. D’autres récits en langues africaines ne sont pas traduits, le travail est immense, la faille est là. Le boucanier arpente les terres sans oublier les vagues qui frappent les falaises, fait signe aux corsaires, connait-il le chemin qui mène à la source?