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La loi phallique est dure

Contributions

Combien d’années une loi défendant les plus faibles peut-elle exister avant d’être balayée ? La réponse à cette question nous sera-t-elle soufflée par le vent de l’indifférence, le vent des crises qui, comme le mistral, rend fou quand il sévit trop longtemps ?

Les droits des plus faibles sont les plus fragiles ; toutes celles et tous ceux qui ont milité pour leur obtention, qui parfois ont donné leur vie dans ce combat, le savaient. Il y a deux façons de concevoir l’humanité : celle du rapport de forces, de la compétition et de la domination ; celle de l’entraide, de la solidarité et du respect. Et quand les temps sont à la guerre, à la menace, à la peur, la première joue des muscles et reprend tout ce qu’elle a dû concéder en des temps plus propices à la justice.

Cour Suprême US, Grand Conseil de la Révolution, illibéralisme virulent, extrémismes religieux de tous poils ; les petits mâles montrent les dents et mordent dans tout ce que les « minorités » – fussent-elles majoritaires – ont acquis, tous ces droits enfantés dans la douleur. Camus disait que les vérités premières sont celles que l’on découvre après toutes les autres ; les droits fondamentaux ne sont-ils pas aussi ceux qui sont venus après tous les autres, lesquels s’effondreront si on les prive de cette assise ?

Éditos

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Belgique

Christophe

BERTI

Une vigilance de chaque instant

Deux Mollahs sont assis à flanc de montagne.

— C’est dingue comme tout a changé en 20 ans, lance le premier.

— Oui, sauf l’Afghanistan, répond l’autre.

Cette caricature, parue à l’automne dans un journal italien, résume malheureusement de façon pertinente cette espèce de retour au Moyen-Âge de l’Afghanistan après l’occupation occidentale, qui fait du pays un symbole bien négatif en matière de respect des droits humains en général et, donc, des différentes minorités. Avec cet énormité supplémentaire de voir évoquer les droits des femmes comme ceux d’une minorité.

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Belgique

Vincent

ENGEL

La loi phallique est dure

How many times… Dans sa célébrissime chanson, Bob Dylan oppose deux temps : celui, quasi éternel et non mesurable de la nature, le temps nécessaire pour qu’une montagne soit dissoute dans la mer ; et l'autre, fugace et microscopique, d’une vie humaine. Et dans cette vie clin d’œil, le temps potentiellement infini pour ouvrir les yeux sur les horreurs que les humains commettent.

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Nouvelles

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Belgique

Ralph

VENDÔME

Classe affaires

Dans la salle d’embarquement de la classe affaires, personne ne l’avait remarquée. Sans doute était-elle arrivée avant les autres, en avance, peut-être en transit. Elle s’était installée dos aux autres voyageurs sur les quelques sièges qui font face aux pistes de l’aéroport. Les hommes d’affaires avaient le nez plongé dans leurs portables. Le vol devait les conduire à une réunion au 22e étage d’une tour en verre, ou à une conférence dans un palais des congrès ; chez un avocat spécialisé en fusions et acquisitions ou dans une salle de marché ou ailleurs, il y a toujours un intrus qui traine quelque part et qui fait semblant de ressembler aux autres. À l’appel de la classe affaires, ces hommes qui se ressemblent s’étaient levés comme un seul homme, une armée disciplinée, et s’étaient mis en rang pour présenter à l’hôtesse leur carte d’embarquement. À eux l’avant de l’appareil et les sièges larges et confortables, à eux la coupe de champagne et le toast au saumon. À eux le pouvoir de les refuser.

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Belgique

Françoise

PIRART

Au Paradis

Dans l’aube froide et brumeuse, il avançait dans une immense étendue déserte sans presque toucher le sol. Cette sensation de légèreté était plutôt agréable. Après un moment, les contours d’un long bâtiment sombre se dessinaient au loin. Mais il n’apercevait pas encore les bétaillères ni n’entendait les meuglements et les glapissements, les chocs des sabots. Les images suivantes étaient brouillées. Masses mouvantes qui descendaient les unes après les autres, démarches hésitantes, chutes sur les ponts glissants des camions… Puis le rêve le conduisait derrière les murs, dans la pénombre bleutée. De la tuerie, il n’aurait de visions qu’après. À l’aube, il sentirait la main de Lucia sur son front : « Encore un cauchemar ? »

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France

Arnaud

GAROUX

Petite main

Système de Saturne. Titan. Pesanteur équivalente à celle sur Terre.

Une base de supervision logistique au sol, moins cent-soixante-dix-neuf degrés tout autour.

— J’ai un, vingt-et-un puis trois. Et toi ? demande le technicien.

— J’ai un, vingt-et-un et douze, répond la femme chaudement vêtue dans sa cabine étroite.

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Belgique

Catherine

GUERRIER-LEMEL

Retour de flamme

Tout a trouvé un sens, inopinément. Aux médias qui m’interrogent, avides, je ne dis rien de tel, cela ne peut se dire, ni vraiment se concevoir. À moins, bien sûr, de parler d’un plan divin. Si Dieu tout-puissant est impliqué, ça va toujours, surtout ici, aux États-Unis. Bien que ce dieu de l’inévitabilité, je l’aie aussi vu à l’œuvre en Afghanistan et en Irak. Bien pratique, il prend peu de place dans les bagages et sert abondamment. Si je dis que Dieu m’a guidé ce 19 novembre 2022, les journalistes ânonneront tous un Hallelujah de circonstance. Sauf bien sûr ceux qui pensent que Dieu était du côté du tueur.

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Allemagne

Verena

HANF

La croix de Kurt

L’eau est froide. Mes muscles se contractent, mes poils s’hérissent. Le frisson est irrépressible, le souffle entravé, mais je reste intransigeant et ma main ferme. Le pommeau de douche est réglé à haute pression, le jet est dur. Ventre, dos, nuque, tête, tout y passe. Ma peau picote. Son rougissement m’agace. Qu’elle reste blanche. « Blanche comme le lait », disait Maman, satisfaite. Et en été : « Blanc, c’est beau, alors protège ta peau. » Le soleil me rougissait quand même, les filles riaient. « Tête de tomate ! » Honte et colère ajoutaient une couche de rouge aux joues.

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Mali

Ousmane

DIARRA

La tombe de la citoyenne inconnue

Mon histoire, on te l’avait cachée, soigneusement. Alors que tout le quartier en bruissait depuis plusieurs années, bientôt une dizaine, avec chacun sa version plus ou moins, réinventée, dulcifiée, enrichie. Le bruit avait fini par s’estomper au fil du temps, ou du moins, par devenir une anecdote qu’on racontait aux nouveaux arrivants comme pour les initier aux mystères de ce vieux village que la ville de Bamako, dans sa boulimie insatiable, avait annexé, avec ses champs de culture, tous ses bois sacrés, même les plus sacrés.

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France

Sophie

TURCO

Personne ne sait qui je fuis

Une maison isolée. Où se trouve-t-elle ? Sûrement dans les environs de Marseille, quelque part au milieu de la campagne. Maria reconnaît bien l’atmosphère de sa région. Elle y est née. Tout lui est familier, ses parfums de garrigue et de terre sèche, ses sons, le chant des cigales, le souffle du Mistral qui amène l’air froid des Alpes et qui gifle les joues. Maria se souvient. Elle a repris connaissance. C’est la douleur qui l’a réveillée. Une lourde chaîne coule le long du mur, enserre ses poignées. Elle ne peut pas bouger. Son corps ne crie plus que la souffrance. Il est souffrance. Cette souffrance, elle le sait, elle le veut, n’appartient qu’à son corps. Il faut qu’il en soit ainsi.

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Québec

Gilles

PELLERIN

Droit de cuissage

Pour s’octroyer le droit de cuissage, il n’est pas nécessaire d’en connaître le nom ni de croire en son existence (pour les historiens, il s’agirait en fait d’une fabulation de l’époque des Lumières, destinée à discréditer les détenteurs du pouvoir dans l’Ancien Régime). Parions d’ailleurs qu’aux yeux de Luc Ness cette prérogative relève de l’ordre naturel, tout au plus de la privauté (intrusion, incursion, agression : mais non, voyons), si bien qu’il ne s’est jamais dit « Tel est mon droit » en entrant dans un soutien-gorge, une petite culotte ou plus loin encore, ni n’a pensé commettre quelque acte illicite que ce soit en le faisant. En matière de rapports sexuels, la nuance est parfois ténue entre ce qui est admissible et ce qui est répréhensible. Selon lui, il s’agit tout bonnement d’une équation réciproque : il apprécie les femmes et les femmes l’apprécient. Il n’y a pas à chercher plus loin.

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Belgique

Monique

THOMASSETTIE

Nom d’un p’tit bonhomme !

Quand, la cuisse à moitié dénudée, j’ai surgi dans un café, les clients ont dû me prendre pour une folle, ou du moins pour une soudainement piquée par un insecte grivois.

Je tenais mon bas, mes doigts en guise de jarretelle.

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Belgique

Martin

RYELANDT

La bulle à verre

Une grosse dame mal peignée,

Au manteau tout dépareillé

Et tout entaché,

Trottinait dans la rue

En halant un caddie

Plein à ras bord

De bouteilles vides.

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France

Xavier

LHOMME

Forte de café

C’est pas tant qu’il fasse froid, mais je boirais bien un petit noir. Ce serait le bon moment pour un altura du Chiapas, tiens ! Je vais me faire une raison et aller mendier une tasse au café d’à côté. Pourvu qu’ils ne me donnent pas du robusta…

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Belgique

Corinne

PONCIN

Vulgarité, « j’écris ton nom »

Tous les matins, depuis quelques jours, faut que je voie cette pub : un mec vachement bien baraqué, torse nu et portant un calcif pourvu d’une poche spéciale pour la bite. À voir le remplissage, elle devait être du genre costaud, sans parler du reste à venir en cas d’érection. De quoi rêver.

J’ai bien vu et dit « la bite », il n’y a que ce mot-là qui convienne en une telle occurrence, n’en déplaise aux effarés du vocabulaire, fût – il argotique, aux adeptes des points de suspension et autres initiales pudiques sinon pudibondes..

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Belgique

Alexandre

MILLON

Azzurro

Ce que j’ai à répondre ne peut pas s’écrire. À un moment du parcours, la rhétorique s’épuise, l’art de bien parler s’enlise. Il nous faut bien vivre nos propres réponses. Ainsi vont les questions. De même, une histoire peut en rappeler une autre.

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Belgique

Rose-Marie

FRANÇOIS

Venue par la côte

N’embrassez vos enfants que lorsqu’ils sont au lit, déjà endormis. Ne les habituez pas aux caresses. Qu’ils soient forts, solides, inflexibles. Obéissants, vainqueurs.

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Belgique

Geneviève

GENICOT

Les mains d'Enzo

Les mains d’Enzo se posent légères, sur les épaules d’abord, et demeurent. Il y a dans ses paumes la chaleur qui a manqué. De chaque côté pareillement s’installe le poids du soin. Alors les pouces ; les pouces préhensiles d’homme, qui savent prendre pour faire – les pouces intransigeants retiennent la chair et tout ce qui, dedans, souffre ; viennent à la rencontre de l’autre poids, celui qui cisaille, pour lui faire la guerre, viennent pour, tendrement et sans merci, l’anéantir. 

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République Démocratique du Congo

Jean-Chrysotome

TSHIBANDA

Les taxis de Watanshi

C’était le plus beau pays du monde. Tout y était pour le mieux dans le meilleur des mondes. C’était encore mieux qu’à la cour du roi Pétaud. Tout le monde pouvait tout se permettre. Bon, mettons-nous d’accord : quand je dis tout le monde, il faut entendre tous ceux qui avaient même une petite parcelle de pouvoir. 

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Belgique

Jean-Marc

RIGAUX

Article 1, 4e protocole additionnel

Van Vrij, légèrement incliné sur son fauteuil, regarde le plafond étoilé de spots scintillant en reflet de sa jubilation intérieure. Face aux 705 sièges inoccupés. Assis à la place du Président du Parlement Européen. Les pieds sur le bureau en forme de boomerang. Présage d’une histoire qui revient à son point de départ.

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Belgique

Françoise

DUESBERG

Irinapolis

C’était une ville de béton. Nous l’appellerons Metropolis.

Les rues ressemblaient à des canyons creusés entre les gratte-ciels, artères rectilignes se coupant à angle droit, charriant des véhicules blindés aux vitres teintées. Rares étaient les piétons à s’aventurer sur les trottoirs étroits et défoncés, héritage d’une autre époque.

Des patrouilles chargées de maintenir l’ordre arpentaient la ville, elles traquaient les mendiants blottis dans les encoignures ou les pillards briseurs de vitrines et réprimaient sans pitié tout début de manifestation.

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Belgique

Marc

MEGANCK

L'entrée des filles

J’étais chargé de suivre le chantier de construction du nouveau grand parking souterrain du centre-ville. Le quartier de la gare était éventré comme s’il avait subi un bombardement massif pendant des semaines. Il ne restait rien de la place d’autrefois –, pavés, arbres, bancs publics, fontaines, tout avait disparu. 

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France

Doris

SÉJOURNÉ

Coddiwomple

Il s’allongea et s’endormit comme une masse. Un tigre qui passait par là entama la conversation avec l’homme assoupi :

— Tes rêves disent que tu te sens seul, soupira l’animal. Et me voilà !

— C’est d’la pipe.

— Comme tu veux. 

— Je n’arrive pas à croire que j’ai cette conversation avec un tigre. ? Tu n’existes même pas.

— Eh l’élu du peuple, c’est ton rêve, pas le mien. 

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Belgique

Véronique

BIEFNOT

Céleste

« Dolly, Bill, Candy ! »

Depuis des heures, Céleste parcourait la forêt, répétant inlassablement son appel.

Ce matin, dès qu’il avait entendu les infos, il s’était précipité dehors.

« Bill ? »

Apparemment les directives avaient changé. Une fois de plus.

« Dolly, viens ma fille, viens ! »

Apparemment il avait le droit de les récupérer, apparemment c’était à nouveau permis.

« Candy, tu es là ? » 

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France

Léa

NORTHMANN

Une voix nouvelle

Tout avait commencé comme une brise fraîche au milieu d’une chaude journée d’été. Comme une vague à peine plus forte qui vient mourir à vos pieds sur le sable chaud. Juste un petit frisson, presque agréable, qu’on oublie vite…

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Belgique

Massimo

BORTOLINI

Recto

Attendu que le nommé Hector Bidal a sciemment et de façon répétée manqué de respect à notre Illustrissime et Tout Puissant Maître de la Terre et des Cieux,

Attendu que les multiples rappels à l’ordre et à plus d’égards à l’encontre de la République Populaire Mondiale de La Toute Puissance Incarnée sont restés sans effets,

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Belgique

Christo

DATSO

Big data

Vous êtes un excellent technicial de classe C, nous sommes très contents de votre travail. Nous sommes fiers de vous avoir engagé comme collaborateur. Continuez !

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Belgique

Nicola

DA COSTA

Maraîchère de famille

Décret relatif aux dispositions exceptionnelles relatives à la crise économique, transposant partiellement la directive 2028/943/UE du 7 juin 2028 concernant la non-solvabilité des citoyens européens.

Le Parlement a adopté et nous, Gouvernement, sanctionnons ce qui suit:

  • Article 1er : Dans le cas d’une incapacité à payer une dette privée, le débiteur pourra être incarcéré après constat de son insolvabilité par un huissier de justice.

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Belgique

Jean-François

FOULON

Éternel retour

C’est à partir du mois de mai qu’elles commencèrent à occuper la rue et à défiler. Cela faisait maintenant cinq ans que les militaires avaient pris le pouvoir et la répression n’en finissait plus de s’accentuer. Au début, il y avait bien eu quelques règlements de compte, quelques exécutions, quelques accidents survenus opportunément à des personnalités de l’opposition, mais c’était la règle habituelle en cas de changement de régime. Cependant, avec le temps, la junte s’était faite plus dure, afin de bien asseoir son pouvoir. Les syndicats avaient été interdits, les lois sociales restreintes, les contrats de travail supprimés.

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Belgique

Hermine

BOKHORST

Les 115 ans de Martha Vansteenkiste

— Euh… les deux reportages en duplex ont été annulés pour cause de « grève émotionnelle ». Je ne sais pas ce qui se passe, mais vous rends l’antenne, Loïc Parmentier, pour quand même nous aider à passer l’An neuf, avec l’interview exclusive de Martha Vansteenkiste, doyenne des Belges, en ce 31 décembre 2022. Martha a son anniversaire aujourd’hui et elle est la plus âgée de notre Royaume.

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Cameroun

Timba

BEMA

Une marche pour Azenta

L’HOMME EST LE PRÉDATEUR DE LA FEMME

Telle était la phrase que la jeune femme avait écrite en majuscules sur sa pancarte. Un carton découpé à la bonne grandeur, de la craie, et le tour était joué : un slogan qui se démarquait des autres, tels que : 

LA FEMME EST L’ÉGALE DE L’HOMME

L’HOMME DOIT RESPECTER LA FEMME

UN MÉNAGE HARMONIEUX EST BASÉ SUR L’ENTENTE

STOP AUX VIOLENCES FAITES AUX FEMMES

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Belgique

Patrick

LOWIE

Portrait onirique de Marielle Franco

Dans le rêve, j’entends en écho : bien que nous puissions gagner des salaires plus bas, être reléguées à des postes inférieurs, travailler trois fois plus, être jugées pour nos vêtements, subir des violences sexuelles, physiques, psychologiques, être tuées quotidiennement par nos partenaires, nous ne serons pas réduites au silence : nos vies comptent ! Il s’agit de douces voix qui murmurent, de lèvres rouges taguées sur les murs en briques, de cœurs papillons par milliers, de couleurs plus nombreuses que sur toutes les palettes d’artiste. La voix se presse, haletante, elle crie les mêmes mots : nos vies comptent !

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Belgique

Chantal

SWINNENS

Au nom de quel privilège

Elle s’appelle Nawal, elle a vingt-deux ans. Lui s’appelle Lounis, il a vingt-quatre ans et mène une brillante carrière de journaliste. Nawal est à la fois journaliste et professeur d’anglais. Leur tort ? Être nés en Syrie, dans la paisible ville de Raqqa traversée par l’Euphrate. Leur vie ne ressemble pas à un conte de fées mais ils sont heureux à Raqqa jusqu’à ce que cette ville tranquille se voie tout à coup contrainte d’ouvrir les portes de l’enfer.

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Belgique

Amélie

DEWEZ

À couteaux tirés

Malik fume une clope. Adossé contre le mur de la boucherie El Bougar, il attend. Les bus sont ponctuels quand deux tiers des Bruxellois dorment encore. Il est toujours le premier. Dans trois minutes il reconnaitra le bruit de la Ford Transit. Bingo ! La camionnette déboule du coin de la rue, s’arrête le temps d’en déposer trois, repart aussitôt. 

Tout le monde se salue. 

Ils sont quatre à attendre maintenant. Malik ne dit rien. Il fume. 

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Belgique

Liliane

SCHRAÛWEN

Entre chien et loup

La nuit descend sur la ville. C’est l’heure incertaine où les formes s’estompent. « Entre chien et loup » pense Marie. Même si, des loups, elle ne risque guère d’en rencontrer. À vrai dire, elle n’en a jamais vu, sauf à la télé. Mais la formule lui plaît. Elle la trouve imagée et poétique, évocatrice de forêts profondes, de sous-bois touffus ou de landes désolées où l’on aperçoit, au loin, des silhouettes indistinctes, chiens ou loups justement, qui filent tout droit sur la ligne d’horizon à la poursuite de quelque biche égarée. Comme dans les livres de son enfance, ceux de la Bibliothèque Rouge et Or, qu’elle dévorait : Capi fils de Loup, Croc-Blanc, L’Appel de la Forêt, Bari Chien Loup, Kazan, Le Chasseur de Loups, Rapide Éclair… 

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France

Brice

GAUTIER

Un conte de fées

Je suis un petit chat enfermé dans une boîte, à la fois vivant et mort pour le monde extérieur. Moi que la physique passionne, j’ai tout mon temps pour réfléchir à ce paradoxe célèbre.

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Vietnam

Tuyêt-Nga

NGUYÊN

Ceci n'est pas une fiction

De ma place, par la porte entrouverte de ta chambre, je peux voir tes pieds. Sagement posés l’un sur l’autre, ils reposent sur ton lit où ils ne forment aucun creux, même le plus léger. C’est que le matelas est dur. On aurait dit du bois. 

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Belgique

François

DEGRANDE

L'horloge au ventre

Vous avez appris l’histoire de Marina Rías Martínez. Parmi les commentaires lus sur l’affaire, il en est un qui m’a particulièrement écœuré : « Comment un tel drame a pu se passer dans ce collège où mes enfants ont étudié ? Dans une filière d’élite ! Outrée ! » Comme si le harcèlement, ce missile sélectif, devait épargner les milieux huppés. Cela décevra les amateurs de sensationnalisme, mais le seul élément neuf dont je dispose, c’est que je ne possède pas d’élément nouveau. Nous savions tous que Marina faisait l’objet de petits gestes quotidiennement déplacés, mâtinés de sexisme durable, de la part d’Édouard de la Cambre.

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La Réunion

Monique

SÉVERIN

Il est une île où les hommes sont beaux

La baie vitrée fabrique un poster de charme – palmiers bleu ciel mer confondus. Et le soleil. Il est une île où les filles sont belles… Appât pour mâles, refrain publicitaire qu’elle exècre, convenu et réducteur. S’inverse aujourd’hui – Il est une île où les hommes sont beaux. Il est magnifique, étendu là, face à son décor de rêve, une jambe repliée offrant à la vue ses parties. Elle ne veut pas du mot « génitales », tellement partiel, utilitariste, qui réduit l’appareil à sa fonction reproductrice. Tableau de choix, ce qu’elle contemple est beau et elle s’en délecte, consciente que la journée prend une tournure particulière. Il ne l’a pas entraînée dans la « chambre nuptiale » aujourd’hui.


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Belgique

Yves

WELLENS

Pas la queue d'une…

C’était tombé sur lui.

Ce qui s’appelle vraiment, abruptement, lourdement tomber.

Au tout début, il s’en était réjoui.

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Québec

Gaëtan

BRULOTTE

Le problème et la solution

Au restaurant Les Sens associés, j’étais le seul homme au milieu d’une bonne douzaine de femmes de diverses origines. Dans l’atmosphère bon-enfant et enjouée de l’apéritif, en attendant les commandes assez vite expédiées, nous formions un groupe cosmopolite qui pouvait plus ou moins inverser, fit remarquer la Japonaise Miwa, la célèbre Cène mythique de Leonard de Vinci, comme si nous en représentions une extension entièrement renouvelée, voire une sorte de Nations Unies au féminin. En fait, d’une manière plutôt informelle, modeste et guillerette, nous discutions au sujet de l’enseignement du français langue étrangère, quand Miwa raconta l’histoire drôle qu’elle employait avec ses étudiants pour les détendre face aux difficultés du genre des substantifs, car ils achoppent souvent là-dessus.

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Images

Varias

Belgique

Alain

BERENBOOM

Le voleur enchanté, épisode 2

— Tu tires une drôle de tête, me fit remarquer Federico qui prenait le soleil sur le pas de la porte tandis que M. Blum s’éloignait en direction de la place des Bienfaiteurs. 

Federico tenait le salon de coiffure (où travaillait Anne) juste en dessous de mes modestes bureaux. 

— Un problème de digestion difficile, dis-je lâchement avant de regagner ma tanière. 

Je pris une feuille de papier, traçai deux colonnes. Dans la première, l’auteur du vol. Beni. Prêt à restituer son larcin. Dans la seconde, la victime, Blum, qui veut récupérer ses biens. Présentée ainsi, l’enquête semblait bouclée avant même d’avoir démarré. Pourtant, je me sentais incapable de tracer une ligne joignant les deux personnages. Fallait-il renoncer à cette mission, comme je m’y étais engagé devant Anne ? Je fixai le chèque que venait de me remettre Blum avec un air désolé. Seul un élixir magique pouvait me sortir de ce dilemme. 


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Belgique

Vladimir

ISSAKOVITCH

Los Rodeos

Juanita, la mère de Cristobal était une très belle femme, de ces Canariennes dont le physique illustrerait la criminelle croyance hitlérienne en une « race » guanche, celle de grands blonds aux yeux bleus descendants de l’Atlantide que des théoriciens nazis avaient imaginée dans cet archipel du Maghreb.

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France

Mona

AZZAM

Les derniers soleils de Meursault

Aujourd’hui je vais mourir. Ou peut-être demain. Je ne sais pas. Quand on est condamné à mort, aujourd’hui, demain sont des temps creux. Absurdes. 

Absurde est cette attente du couperet, de cette guillotine qui s’en viendra mettre fin au Temps. 

À l’attente. Et à la vie. 

Je ne compte plus les jours. J’ai cessé de les compter depuis la dernière visite de l’homme d’église qui n’a pas réussi à me pousser vers les voies de la rédemption. 

Le pardon. Voilà ce qu’il s’est échiné à tenter de m’obtenir. 

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Belgique

Chantal

BOEDTS

Les amours thermiques

Je voletais dans l’Azur, les échanges devenaient ténus.

Cette sensation grisante de liberté m’offrait les prémices d’une joie intérieure sans partage.

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France

Anna Alexis

MICHEL

Bruxelles-Miami

C’était un jour que rien n’aurait permis de distinguer d’un autre : blanchâtre, pas vraiment gris, laiteux comme l’étang triste qu’on aurait pu voir par la fenêtre si le brouillard s’était levé. Titi, étalée sur le couvre-lit aux papillons multicolores de la chambre transformée en studio, passait en revue les messages de ses nombreux suiveurs virtuels : quelques verges plus ou moins turgescentes, quelques torses bombés sur des bides qu’on pouvait présumer flasques et puis, parfois, dans ce dédale de foutre et de mauvais goût, quelques admiratrices boutonneuses et sincères dont les compliments maladroits témoignaient autant de leurs bons sentiments que de leur mauvaise orthographe.

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